# 04 DADA
B. LA BASCULE DU PETIT CHEVAL
Si
les spectacles présentés les premiers mois à Zürich sont inédits,
ils sont aussi empreints du pathos et de la véhémence
expressionnistes. Mais le reste du monde semble devenu fou. Refuser
les règles, abattre toutes les contraintes, exprimer un nihilisme
salvateur semblent alors la seule réponse à la guerre que se mènent
les sociétés décadentes. Très
vite, le mouvement Dada prend une envergure internationale, de Zurich
à Cologne et Hanovre, de Berlin à New York, se distinguant des
autres courants artistiques et littéraires qui le précédent de
peu : le Cubisme à Paris, initié par Cézanne en 1907, le
Futurisme en Italie, théorisé par Marinetti en 1910, l’Expressionnisme allemand (Die
Brücke) fondé en 1905 par Ludwig Kirchner ou le Blaue Reiter en 1912
par Franz Marc et Wassily Kandinsky, faisant suite au fauvisme dont les
débuts datent du Salon d’automne de 1905. Alors
que Duchamp, Picabia et Man Ray mettent le bon goût du
public à l’épreuve à New York, Dada se politise en Europe. Le groupe le plus
important se constitue à Berlin pour s’opposer à la République
de Weimar. Les artistes produisent des pamphlets, des manifestes et
des représentations engagées, utilisant les techniques du montage et
du collage photographique à des fins de propagande.
Raoul Hausmann, 1886 - 1971 Le critique d'art, 1919-20, collage 31.4 x 25.1 cm Tate Modern, Londres |
La famille de Raoul Hausmann quitte Vienne pour Berlin lorsqu’il a 14 ans. Son père
artiste l’initie à la peinture. Il subit dans un premier temps
l’influence de l’Expressionnisme et du Futurisme. Mais sa
rencontre avec les dadaïstes zurichois est déterminante et il devient un membre majeur
du mouvement berlinois. Dès
1919, sa carte de visite le qualifie sans modestie: Président du
soleil, de la lune et de la petite terre (surface intérieure),
Dadasophe, Dadaraoul, directeur du cirque Dada. Le photomontage est une technique caractéristique du Dadaïsme
berlinois. Elle se
différencie du collage cubiste par l’intégration de textes typographiés et
de représentations photographiques. Hausmann affirme l'avoir découverte en 1918 dans la
vitrine d’un photographe où des visages de personnes étaient remplacés par d’autres. C’est l’année où il publie son
manifeste « Cinéma synthétique de la peinture »
dans lequel il attaque l’Expressionnisme et propose l’utilisation
de nouveaux matériaux pour surmonter, selon lui « l’art
d’état d’esprit ». Son collage Le
critique d’art, reprend ce thème au moment où le directeur de
la Galerie Nationale de Berlin établit la reconnaissance des
peintres en leur réservant une salle. Hausmann
réalise le personnage à l’aide de plusieurs images, lui donnant
le visage de son compagnon dadaïste George Grosz tout en dénonçant
toute notion de portrait par deux tampons barrés. La recomposition
négligente des yeux et de la bouche à l’aide de papiers collés
restreint la vue du critique comme sa capacité de jugement. Un
billet de banque taillé en pointe évoque la possibilité de
l’acheter. L’objet de la critique est représenté par le tableau
de la silhouette découpée dans la page d’un quotidien d’économie.
La syllabe Merz, en gras est très lisible, renvoyant à Kurt Schwitters.
Raoul Hausmann, 1886 - 1971 L'esprit de notre temps, 1919-20, assemblage, 32.5 x 21 x 20 cm Centre Pompidou, Paris |
L’esprit
de notre temps occupe, lui, une position singulière dans l’œuvre à
facettes de Hausmann. A la fois ready-made
duchampien élaboré, collage tridimensionnel, objet métaphysique... En
1966, il déclare tardivement : J’avais créé ma
sculpture, "la Tête mécanique" que j’appelais aussi "L’esprit de
notre temps" en 1919 pour montrer que la conscience humaine ne
consiste qu’en accessoires insignifiants que l’on peut lui coller
à l’extérieur. Au fond, ce n’est qu’une tête de coiffeur
avec des boucles de cheveux bien arrangés. Pour
diverses raisons il semble que la pièce ait été réalisée dans la
seconde moitié de 1920 car elle ne figure pas à l’exposition de
Berlin et se rapproche de la peinture métaphysique italienne. Nul
sentiment universel expressif n’est donné à voir ici. Le monde
est perçu à travers des instruments de mesure. Il reçoit des
informations imprimées et des images en gardant les yeux fermés. Après
la foire Internationale Dada de 1920, Hausmann prend ses distances
avec les dadaïstes et rapproche ses intérêts de la peinture
métaphysique italienne (Giorgio de Chirico et Carlo Carà). A partir
de 1925, il se consacre passagèrement à la photographie
documentaire et aux expériences phototechniques en chambre noire. Il
se réfugie en France pendant la guerre et s’installe en 1944 à
Limoges
jusqu’à sa mort, laissant une œuvre protéiforme : peinture,
photographie,
collage,
photomontage.
George Grosz (né Gross), entre en 1912 à l'école des Beaux-arts de Berlin. En 1915, il fait
la connaissance de Helmut Herzfeld. Tous deux décident d’américaniser leurs patronymes pour se défaire de la
connotation allemande et lutter contre le nationalisme belliqueux de
leur pays. En
1918, les premières activités dadaïstes berlinoises le laissent
sceptique. S’il rejoint néanmoins le club Dada, il adhère également au
parti communiste. Son engagement politique radical lui vaut le surnom
de Maréchal Propagandada. Le
5 juin 1920, avec Raoul
Hausmann
et John Heartfield,
ils organisent la première foire internationale Dada
à Berlin.
George Grosz, 1893 - 1959 Hommage à Oscar Panizza, 1917-18, huile sur toile 140 x 110 cm Staatsgalerie, Suttgart |
Son
antimilitarisme et son engagement pour un art prolétaire lui causent
des démêlés avec la justice : revues saisies ou interdites de
parution, condamnation pour insultes envers l'armée impériale,
censure de recueils de gravures. Il quitte l'Allemagne en 1932
pour les Etats-Unis dont il devient citoyen en 1938. Il enseigne de
façon intermittente jusqu'en 1955.
Son style s'édulcore et verse dans un romantisme
sentimental. L’œuvre
de Grosz est caractérisée par l'exagération caricaturale. Elle
montre avec vérisme, l'état du monde de l'après-guerre. Plusieurs
peintures, de facture expressionniste, expriment sa fascination
romantique de l’underground et des personnages marginaux. Dans
son œuvre emblématique Hommage
à Oskar Panizza,
il emprunte aux futuristes
la représentation dynamique et fiévreuse des grandes villes. Oskar Panizza (1853 –
1921), est un médecin et écrivain maudit. Il est deux fois condamné
pour blasphème et crime de lèse-majesté puis interné en 1905. Le
tableau réalisé selon le principe du collage est dominé par le rouge sang. Une procession hallucinante et déshumanisée sépare la toile en diagonale alors que l'autre partie est occupée par des bâtiments aux fenêtres énigmatiquement animées par des scènes et des reflets.
Au premier plan, trois figures symbolisent la syphilis, l'alcoolisme
et la peste. La mort triomphe au centre de la composition. La folie
de la race humaine rappelle Bosch et Bruegel.
John Heartfield est
un acteur radical du très politique groupe dadaïste de Berlin. Comme Hausmann, il
s’illustre rapidement dans le genre du photomontage qu’il inscrit
dans la grande tradition satiriste. Il
réalise la couverture du troisième et dernier numéro de la revue
Der
Dada.
Dès impression, il jette l’original, refusant de reconnaître sa
valeur traditionnelle. A l’instar de nombreux dadaïstes,
Heartfield prône que les formes nouvelles de l’art doivent
répondre aux nouvelles méthodes de production : sources
photographiques et tirages ronéotypés (1).
John Heartfield, 1891 - 1968 Photomontage politique, entre 1930 & 1938, publié dans AIZ, Die Arbeiter Illustrierte Zeitung |
John Heartfield, George Grosz Pays ensoleillée, 1919, reproduction Akademie der Kunst, Berlin |
En 1903, Baader devient architecte à l'Union des artistes pour la sculpture tombale monumentale de Dresde. Installé à Berlin, en 1915, il rencontre Raoul Hausmann et contribue à la revue Der Dada en menant des actions spectaculaires comme celle de fonder une "église-refuge" pour protéger les déserteurs. À la fin de 1918, s'autoproclamant Oberdada (Chef dada ou Super dada), il provoque le scandale par un spectacle présenté dans la cathédrale de Berlin et intitulé « Christus ist euch Wurst » (Tu te fiches du Christ).
Johannes Baader, 1871 - 1951 Le Grand Plasto-Dio-Dada-Drama, 1920, assemblage Première Foire Internationale Dada |
Kurt Schwitters est d'abord l'auteur d'œuvres figuratives, avant de subir
l'influence des mouvements d’avant-garde. En 1918, il se
détourne définitivement de la peinture traditionnelle et élabore
un vocabulaire propre fondé sur l'emploi par assemblage de déchets
et de détritus. Grand
ami de Raoul
Hausmann
et de Hans
Arp,
il est refusé par le Club Dada de Berlin c'est-à-dire par Richard
Huelsenbeck
qui suspecte certains artistes d’affairisme amoral en utilisant
l’étiquette Dada par intérêt commercial. Schwitters écoule
ainsi son recueil An
Anna Blume,
composé de chansonnettes, proverbes et citations à plus de dix
mille exemplaires grâce à une campagne publicitaire très adroite.
Huelsenbeck déclarera plus tard suite à une visite à Hanovre chez
Schwitters : La
ressemblance entre le monde bourgeois et le monde révolutionnaire
chez Schwitters n’a jamais cessé de m’irriter. Schwitters
réagit en fondant un mouvement parallèle qu'il nomme Merz,
dans lequel le mot Merz
est ironiquement tiré de la partie centrale du mot « Kommerzbank »
découpé dans une annonce imprimée. Le
mouvement Merz
cherche en effet à s'approprier les rebuts de la société
industrielle et urbaine, faisant entrer la réalité quotidienne dans
l'art, sans idée de message politique ou d'esthétique d'opposition,
mais avec la volonté, à partir de 1920,
de fonder un « art total Merz », embrassant
l’architecture,
le théâtre
et la poésie.
(Il est fasciné par l’œuvre de Baader à la grande foire Dada).
Kurt Schwitters, 1887 - 1948 Merzbau, 1920 - 23, construction Reconstitution 1990, Sprengel Museum, Hanovre |
A
partir de 1923,
dans sa maison de Hanovre, Schwitters entreprend de construire une
vaste structure faite de volumes blancs en plâtre aux plans
imbriqués les uns dans les autres traversés par des tiges et des
poutrelles. S'y encastrent, dans des
cavités, ses œuvres et celles de ses amis. La construction envahit
peu à peu toutes les pièces puis tous les étages de sa maison.
Schwitters lui donne le nom de Merzbau
(construction Merz). L’installation atteint la taille de huit
pièces. Avec
l'arrivée des nazis
au pouvoir en 1933, il s’exile en Norvège
et entame la construction d'un nouveau Merzbau dans les environs
d'Oslo,
resté inachevé suite à l'invasion du pays et dont les restes
brûlent en 1951. Il
fuit à nouveau, cette fois vers la Grande-Bretagne
où il est interné jusqu'en 1941 en tant qu'Allemand. En 1945,
malgré une santé fragile, il reprend la construction d'une nouvelle
œuvre connue sous le nom de Merzbarn,
soutenu par le Museum
of Modern Art
de New
York.
A son décès, un seul mur est terminé. On peut le voir
aujourd'hui à l'université
de Newcastle upon Tyne. Aucun
autre Merzbau n'aurait survécu, mis à part quelques éléments de
celui établi en Norvège et qui a été filmé en 1999. Le musée de Hanovre
a reconstitué l'un de ces ouvrages qui comporte au moins quatre des
pièces qui se trouvaient dans la maison d’Hanovre détruite lors
des bombardements en 1943 (2).
Issu
de la grande bourgeoisie, Theodor Baargeld choisit le camp de la contestation
politique en s’appuyant sur l’activisme berlinois. Son nom est un
pseudonyme qui signifie « argent liquide » en allemand. En
1918, il s'inscrit au parti socialiste indépendant allemand (USPD),
situé à l'extrême gauche du parti socialiste. Pendant l'occupation
britannique de la Rhénanie, Baargeld soutient la publication d'un
périodique marxiste
Der
Ventilator.
Dissimulé sous la forme d'un supplément à la presse quotidienne
pour échapper à la censure, il est distribué aux portes des
usines. Saisi après six numéros il lance un nouveau bulletin
périodique qui devient un organe d'expression pour l’antenne du
mouvement Dada
qu’il fonde à Cologne en 1919 avec Max Ernst. Surnommé
Zentrodada,
Baargeld organise en 1920 à Cologne la première exposition Dada
où il présente des œuvres de Francis Picabia. Ernst et Baargeld
sont aussi présents lors de la Foire Internationale de Berlin.
Mais ce centre dadaïste, sans grande diffusion, où vient
sporadiquement Hans Arp après la dissolution du groupe zurichois,
s’épuise et ses deux chefs de file rejoignent Paris en 1922. Après
ses premières contributions au mouvement sous forme de textes
politiques et poétiques, Baargeld s'essaie, en autodidacte, au
collage, au photomontage et au dessin. Les Cafards fait partie
de ses premiers dessins automatiques réalisés à l’époque selon la pratique des surréalistes.
Theodor Baargeld, 1892 - 1927 Sans titre (Les cafards), 1920, encre & crayon sur papier, 29.2 x 23.2 cm, MOMA, New York |
S’il
a étudié l’histoire de l’art, la philosophie et la psychologie
à Bonn, sur le plan artistique, Max Ernst est un autodidacte qui
s’essaie à plusieurs modes d’expression. La
petite machine… illustre la période de Cologne, marquée par
sa participation à des revues et sa fréquentation d'une imprimerie
d’art. C’est là qu’il puise les modèles de ses
collages et de ses frottages. Il utilise des clichés portant des
lettres isolées qu’il imprime sur la feuille de papier ou
reproduit par frottage. Aquarelle et encre complètent le graphisme
technique obtenu.
Le détail frappant est un robinet phallique dont
la goutte rouge est cernée par le mot « bonjour ». Ernst
explique ainsi la fonction surprenante de son oeuvre: La petite
machine construite par minimax dadamax en personne pour une
pollinisation intrépide des ventouses féminines au début de la
ménopause et autres fonctions intrépides semblables. Après
son épisode dadaïste, en 1925,
il travaille le frottage en laissant courir une mine de crayon à
papier sur une feuille posée sur une surface quelconque (parquet ou
autre texture). Technique qui s'apparente à l'écriture
automatique
des surréalistes
qu'il côtoyait comme Paul
Éluard
et André
Breton. En
1933,
il compose en Italie en trois semaines 182 collages à partir
gravures issues de romans, d’encyclopédies ou de catalogues en n & b de la
fin du XIXe siècle assemblés dans un ordre énigmatique. De retour à Paris, il les publie dans
un ouvrage en cinq volumes appelé Une
semaine de bonté ou les sept éléments capitaux. A
partir de 1934,
fréquentant Alberto
Giacometti,
il commence à sculpter. Dès le déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale,
arrêté, interné puis évadé, Max Ernst réussit à gagner les Etats Unis
en compagnie de Peggy
Guggenheim
avec qui il se marrie en 1942. Aux côtés de Duchamp
et Chagall,
il aide au développement de l'expressionnisme
abstrait
parmi les peintres américains comme Jackson
Pollock
jusqu’en 1953, date de son retour en France.
Max Ernst, 1891 - 1976 La petite machine construite par minimax dadamax en personne, 1919 encre, crayon, aquarelle, gouache sur papier, 49.4 x 31.5 cm Solomon Guggenheim Foundation New York |
A
New York, l’esprit Dada qui souffle sur la ville est surtout le
fait d’artistes européens exilés. Marcel Duchamp et Francis
Picabia font connaissance en 1919 et s’associent à Man Ray, le
galeriste Alfred Stieglitz et le poète et mécène Walter Arensberg. Pour
ce groupe des revues éditées à peu de frais sont un moyen
essentiel de communication avec les autres centres. New York n’est
pas épargné par les scandales attachés à Dada mais l’actionnisme
politico anarchiste n’est pas une composante du groupe. La guerre
est passée trop loin. Si les œuvres produites sont considérées
comme de l’anti-art, il n’en reste pas moins que chacun de ces
artistes est entré dans le patrimoine des musées.
Francis Picabia, 1879 - 1953 Parade amoureuse, 1917, huile sur carton, 96.5 x 73.7cm Collection privée |
Issu d’une riche famille cubaine émigrée à Paris, l'indépendance
financière de Francis Picabia lui permettra toute sa vie de rester un amateur en peinture au sens
littéral au côté de sa passion pour les voitures de course. En
1913, il est le seul artiste français à pouvoir se permettre le
voyage à New York pour l’inauguration de l’Armory Show
(17 février au 15 mars). C’est
en 1915 qu’il commence à réaliser ses premiers tableaux
mécaniques symboliques. De par ses dimensions, son exécution
complexe et ses couleurs, Parade amoureuse est l’œuvre
centrale de ses motifs mécaniques. La
réalisation renonce à tout geste pictural et privilégie une
facture purement objective. Son titre, à l’instar de celui de
nombreux autres travaux dadaïstes est intégré dans la
représentation. S’il
fait allusion aux sentiments humains, la représentation prend ses
distances. Le rapport érotique subliminal articulé à des
représentations mécaniques fait partie de nombre de travaux
dadaïstes. Sur
un fond qui mêle l’illusion de la picturalité à celle d’une
perspective graphique, la machine est composée de deux parties,
l’une grise, l’autre en couleur que relie une tringle articulée,
allusion ironique et symbolique de la répartition des rôles féminin
et masculin dans la société moderne.
Man ray, 1890 - 1976 Le portemanteau, 1920, photographie, 25 x 16.5 cm Kunsthaus, Zurich |
Man ray, 1890 - 1976, Marcel Duchamp, 1887 - 1968 Elevage de poussière, détail, 1964, tirage moderne à partir de la photo originale, 1920 24 x 30.5 cm |
Fondé en 1916, Dada est finalement enterré à Paris en 1922. Réfugiés à l’étranger, Aragon, Breton, Soupault et Tzara ne rejoignent la capitale qu’après l’armistice du 11 novembre 1918. Picabia et Duchamp arrivent de New York en 1919. Man ray les retrouve deux ans plus tard. Après Cologne, Arp s’installe à Paris en 1920 et Ernst en 1922. Six jours après son arrivée, Tzara, nimbé de son autorité zurichoise et qui aime jouer au porte-parole révolutionnaire, annonce la naissance du Dadaïsme parisien mais ce Dada là ne connaîtra que des épisodes littéraires. Breton constatant amèrement : Ce sont surtout nos différences qui nous unissent, mettant fin à l’expérience Dada, découvrant pour son compte le principe de l’écriture automatique. Le manifeste du surréalisme paraît en 1924 influencé par le Freudisme et la croyance en la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées, la puissance du rêve et le jeu désintéressé de l’esprit. Mais le mouvement renoue aussi avec la société des valeurs honnie par Dada.
Né
du mouvement lettriste fondé en 1957, le Situationnisme et
l’œuvre de Guy Debord, (La Société du Spectacle, 1967),
se rattacheront à une idée de dépassement de toutes les formes
artistiques. L'unité des moyens devant
bouleverser la vie quotidienne pour aboutir à une réappropriation du
réel. Dada donnera encore lieu à un semblant de filiation allant du
Néo-dadaïsme de Jasper Johns et Rauschenberg
(avant-coureurs du Pop art) au Nouveau Réalisme français. Fluxus et sa version japonaise de Gutai s'imposeront encore de manière limitée pour produire des formes multiples d'anti-art. Mais on peut dire aussi de Dada, à être sans cesse réanimé et trahi, qu'il n'a d'égal que sa résistance à un réel normatif substituant à la simplicité chaotique de l'existence la complication ordonnée d'un monde (3).
Notes
(1) L’œuvre unique n’existe plus et perd son identité, Walter Benjamin, 1892 – 1940 / L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, 1936.
(2) En
1993, une version réduite est réalisée à la demande de Harald
Szeemann
à l'occasion de la Biennale de Lyon.
(3) L'anti-nature, Clément Rosset, éd. Quadrige, PUF, réédition 2015
(3) L'anti-nature, Clément Rosset, éd. Quadrige, PUF, réédition 2015
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